Lire et écrire le transfrontalier aujourd’hui, dans la fiction romanesque et ailleurs

Cadíz, 2-13 juillet, Séminaire intensif

Aujourd’hui, les nouvelles technologies nous permettent de communiquer tous azimuts, où que nous soyons et à n’importe quel moment. Promulguant à la fois un certain regain d´individualisme et une efficacité investigatrice, elles concernent toutes les générations, regroupent des mentalités diverses et produisent des discours porteurs d´une soi-disant vérité (« fake news ») sans filtre ni authentification académiques. Force est de constater que, par ces nouvelles approches communicatives, non seulement le comportement et le rapport à l´autre est remis en question, l’idée même de « l’ailleurs » est en train de devenir foncièrement problématique. Puisque, de nos jours, Internet nous offre la possibilité d’aller où nous voulons, partout dans le monde, mais sans nécessairement y faire d’authentiques « rencontres » – Wolton parlait en ce sens de « solitude interactive » –, on observe aussi des conséquences pour ce qui concerne l’imaginaire, et pour la « production » de notre imaginaire contemporain qui est donc, entre autres, romanesque. Nous entrons dans un univers multidimensionnel sans ornières géographiques. Tout devient possible ou, du moins, c’est l’impression qu’on peut avoir. Il est indéniable que, quand l’ère de la cybernautique commence, les notions d’espace et de temps ne s´appréhendent plus comme avant : ce qui semblait loin, se rapproche, ce qui est proche, s´estompe jusqu´à devenir invisible dans certains cas. Certes, les romanciers du XIXe et du XXe luttaient déjà avec la définition du hic et nunc, et donc, avec son contraire : quand je ne suis plus ni « ici » ni « maintenant ». Où suis-je ? Qui suis-je ? « Qui maintenant ? Sans me le demander. Dire Je » (Beckett). Aujourd’hui, toutefois, un nouvel ordre du jour est en train d’émerger où les tic-tacs fugaces des sciences produisent des modifications radicales dans la psyché humaine. Ces modifications ont un impact sur l’imaginaire, et sur la production de l’imaginaire. Ce sont alors les fictions, entre autres les romans, qui nous renseignent encore le mieux sur le monde « transfrontalier » – mais qui n’a pas pour autant supprimé la notion de « frontière », qui la vit, en somme, comme une douloureuse impasse – qui est devenu le nôtre. Certains choisissent la fuite en avant, d’autres préfèrent un retour à l’élan vital rappelant parfois le propos d’Apollinaire dans son solennel Cor de chasse. Attrapée dans cet entre-deux temporel et antagoniste, l´existence humaine semble vouée à se positionner entre un désir d´ouverture et la crainte d´un enfermement, un va-et-vient sous-jacent, au rythme d’une révolution technologique en cours, et qui n’est pas près de finir.

L’intitulé Lire et écrire le transfrontalier aujourd’hui, dans la fiction romanesque et ailleurs renvoie  à trois axes qui pourront être abordés :

1/ l’arrivée des nouvelles technologies change entre autres notre perception du spatio-temporel ; quels changements ? quelles conditions ? quelles circonstances ? dans quels textes ?

2/ la perception du spatio-temporel se dit dans la fiction, donc dans le roman ; la fiction romanesque serait-elle actuellement une des manières de dire les bouleversements produits par la révolution numérique ? Si oui, pourquoi et comment ?

3/ Ouverture et clôture, incipit et excipit, liminaire et clausule, soudure et coupure sont, depuis toujours, les stratégies fondatrices de la fiction, et de la création de « mondes fictionnels » ; or que devient cette dialectique aujourd’hui, entre autres et notamment dans le champ de « l’extrême contemporain » ?