LE TEMPS DES PASSIONS
XIXe – XXIe siècles
Colloque organisé par le CRIMEL
Université de Reims Champagne-Ardenne
16-17 octobre 2017
Un colloque sur « le temps des passions » se tiendra à Reims le jeudi 16 et le vendredi 17 novembre 2017. Le titre met en jeu un terme, « passion », encore d’actualité au XIXe siècle dans un sens large (le mot recouvre ce que nous entendons actuellement par « passion », amoureuse notamment, mais aussi par « sentiment » ou « émotion ») : il peut s’agir d’amour, de colère, d’espoir, de regrets, etc. La réflexion aura pour objet la fiction narrative ou théâtrale et la poésie française ou étrangère des XIXe et XXe– XXIesiècles.
L’objectif est d’étudier la représentation des passions du point de vue du temps, dans une époque où l’histoire s’impose comme discipline et comme mode d’approche du vécu individuel ou collectif, au point que les passions mêmes sont conçues comme historiques : « Nous avons nos passions particulières », écrit Baudelaire dans le Salon de 1846. Le développement de l’autobiographie ou du roman de formation montre l’importance accordée au temps.
Quatre axes sont envisagés pour une réflexion qui s’inscrira à la fois dans la poétique historique et la théorie de la lecture :
— Orientation temporelle : une passion se trouve, selon les cas, orientée vers le passé, le présent ou le futur, avec des combinaisons possibles (l’espoir est tourné vers le futur, le regret vers le passé, la peur vers le présent ou le futur…). Le texte littéraire configure cette orientation de façon plus ou moins attendue en fonction de la situation, du genre ou de la forme littéraire choisie, avec des effets sur le lecteur à apprécier : ainsi pourra-t-on s’intéresser au déploiement de l’attente anxieuse sous la forme d’un récit tendu, entretenant le suspense.
— Évolution : une passion qui dure a ses degrés et ses formes spécifiques selon les moments, qu’elle progresse, régresse ou se modifie. Il serait intéressant d’en étudier le devenir ou l’évolution dans un poème, ou dans un texte narratif ou théâtral. Dans ce cadre, on pourra s’intéresser aussi aux temps forts de la passion, qu’il s’agisse de celle que vivent les personnages ou de celle qui est inhérente à la lecture. Ces temps forts peuvent prendre une tournure remarquable notamment dans les cas de choc et de crise (intime, relationnelle, collective). Il s’agirait d’en étudier les formes (surgissement, conflit, rupture, seul ou en duo, en groupe, en masse) et leurs effets, s’ils en ont (comme dans le cas des traumatismes), le temps fort pouvant aussi consister en un suspens de la conscience du temps (Pensons à la notion proustienne d’intermittence, qui permet de mettre en valeur la discontinuité de la passion dans la durée : celle-ci peut apparaître, disparaître, reparaître).
— Temps social : les passions des personnages se rencontrent, se confrontent, s’associent, entrent en conflit. Leur mise en relation s’inscrit dans la vie sociale, restreinte ou étendue, et les configurations temporelles de cette mise en relation peuvent elles-mêmes donner matière à réflexion. À côté de ces configurations (simultanéité, succession, alternance, convergence, etc.), la ritualisation, par exemple dans l’évocation de cérémonies de deuil, apporte une forme spéciale de temporalité (calendrier, ordre, fréquence) à laquelle la passion est censée se plier. Le temps social joue également un rôle dans les passions du lecteur, ne serait-ce qu’à travers la codification culturelle de la lecture.
— Historicité, anhistoricité, anachronisme : si les historiens contemporains ont bien mis en valeur l’historicité des passions, il faut compter, dans la littérature, avec une temporalité spécifique (dates, époques, régimes), ainsi qu’avec les phénomènes d’anachronisme (quand telle ou telle passion paraît inactuelle), voire d’anhistoricité – toutes questions qui se posent également sur le plan de la réception.
R. Borderie, V. Jouve